Le prix Eugène Villard du département de l’Ardèche, dont la création remonte à 1884, perpétue la tradition d’un prix littéraire. Ce prix exauce le souhait de son donateur Eugène Villard, d’encourager et d’honorer dans le département de l’Ardèche toutes celles et ceux qui font œuvre de création littéraire. Par son testament, daté de 1879, Eugène Villard a fait un legs au Conseil général destiné à fonder un prix qui sera « décerné à l’auteur né ou domicilié en Ardèche du meilleur ouvrage scientifique ou littéraire paru dans la dernière période biennale. C’est au Conseil général du département qu’il appartiendra d’exécuter ces dispositions. »
A ce jour, le Prix Villard a distingué plus de deux cents ouvrages, œuvres de fiction, essais, poèmes ou documentaires qui illustrent la passion de l’écriture de leurs auteurs.

Livret sur le prix Villard édité par le Conseil général de l’Ardèche.
La biographie PAPILLON LIBERE a reçu le prix Villard de l’année 2007.
La cérémonie a eu lieu le 20 octobre 2008 à l’hôtel du département de Privas.
Par ce prix, et d’après les commentaires entendus et les articles lus, le jury a non seulement reconnu la qualité historique et littéraire de l’ouvrage, mais a également décidé d’intégrer enfin Henri Charrière dans l’histoire et le patrimoine du département.
Le 02 novembre 2008, dans un article du Dauphiné-Libéré, le journaliste Gérard Prat, écrit :
« Le Conseil général a estimé que le temps avait fait son œuvre et que la mémoire de l’Ardéchois Henri Charrière pouvait être honorée si elle le méritait. »
« Le Conseil général a pris une décision courageuse. Papillon est réhabilité en tant qu’homme. »

Carton d’invitation à la cérémonie.
Trois discours furent prononcés au cours de cette remise de prix, ceux du président du Conseil général Pascal Terrasse, du conseiller général et membre du jury Jacques Chabal, de moi-même enfin.
Je vous les présente ci-dessous en intégralité :
Discours du Président Pascal TERRASSE pour le Prix Villard 2007
«Papillon libéré» de Vincent DIDIER
(Editions La Fontaine de Siloe, 2006)
Il n’est pas si courant de décerner un prix à un livre qui sait associer dans ses pages littérature de prison et littérature d’aventures et de voyages.
Cher Vincent Didier, vous y réussissez particulièrement : c’était une vraie gageure de lier ainsi le dedans, l’espace refermé sur lui-même et le grand dehors, le vaste monde. La personnalité d’Henri Charrière vous en a donné l’occasion, tant vous êtes en empathie avec celui que tout le monde reconnaît sous le nom de «Papillon».
Ce qui est à signaler, c’est que cette empathie ne vous empêche pas d’être précis, rigoureux face à ce personnage que d’aucuns s’accordent à décrire comme excessif, hors normes. L’ouvrage que vous nous donnez à lire allie les critères objectifs de la biographie à une écriture littéraire sensible et simple. Votre livre se lit comme un roman et j’y ai pris un immense plaisir.
Tout ou presque a été dit à propos d’Henri Charrière, mais vous, au lieu de l’épingler une nouvelle fois, vous l’avez libéré pour ainsi dire des images toutes faites autour des bagnards, des «taulards», vous l’avez libéré d’une légende fausse et gênante qui pouvait le desservir, pour l’ouvrir à sa vie d’audace et d’aventure. Vous le rendez à sa dignité. J’ose avouer que nous devenons complices de ces évasions et de ces aventures. Ce n’est pas rien !
Votre livre «Papillon libéré» est ainsi un véritable roman d’aventures et de voyages. Comme au cinéma, où Henri Charrière a pour l’éternité le visage de Steve Mac Queen, vous déroulez le film de sa vie en campant avec des bonheurs minutieux d’écriture, les différents personnages qu’incarne l’homme, successivement : l’enfant heureux et gâté de Saint-Etienne-de-Lugdarès et de Pont-d’Ucel, l’orphelin très précoce de sa mère, le gamin turbulent, le jeune délinquant albenassien, le beau gars bagarreur courtisé par les filles (comme au cinéma, déjà !) le rugbyman, le marin puis, à Vals-les-Bains et à Paris, Pigalle, le proxénète, le meurtrier présumé, ensuite le taulard, le bagnard guyanais, l’évadé et le grâcié, le propriétaire d’hôtels vénézuélien et espagnol, producteur et scénariste de films, propriétaire ou gérant de bars, restaurants, boîtes de nuit et, pour finir, l’écrivain voyageur qui les résume tous…
Rien n’est laissé au hasard de cette vie à maints égards singulière. Nous suivons pas à pas et partout «Papillon», sans répit, non pour l’arrêter et l’enfermer à nouveau mais pour garder son esprit aventurier.
Votre livre est écrit dans un style impeccable, simple, et est devenu en quelques mois le livre de référence sur Henri Charrière.
En vous primant aujourd’hui, Cher Vincent Didier, le Conseil Général de l’Ardèche réhabilite un peu l’ancien bagnard, l’ancien taulard, l’aventurier singulier, et l’écrivain voyageur et reconnaît à sa juste valeur la littérature carcérale et la littérature d’aventures. Le mérite vous en revient largement.
Nous savons que vous aimeriez bien écrire une nouvelle biographie. Il vous reste à trouver un personnage, aussi haut en couleurs, au caractère aussi trempé et gardant encore ses secrets. Je suis sûr que vous allez le trouver, l’Ardèche ne saurait en manquer !
A votre intention, Cher Vincent Didier, nous pourrions reprendre ces mots de François Mauriac à propos d’Henri Charrière, en 1969 : «c’est un livre d’un talent extraordinaire, même sur le plan littéraire… Il y a toujours une raison profonde au succès… Rien ne sert d’avoir été bagnard et de s’être évadé, il faut avoir le don de donner, à cette histoire, cet accent de vérité. C’est une lecture passionnante. Ce nouveau confrère est un maître».
Que ces mots soient aussi pour vous !
Le Prix Villard récompense à nouveau un livre de haute tenue ! Un livre de pure évasion et d’aventure, au sens noble du terme, bien sûr !

Pascal Terrasse et Vincent Didier.
DISCOURS DU CONSEILLER GENERAL JACQUES CHABAL
Prix Villard 2008 Privas, le 20 Octobre 2008
PAPILLON LIBERE : La vie d’Henri Charrière
Préface de Robert Laffont
Editions La Fontaine de Siloé
L’ouvrage de Didier Vincent est une biographie d’Henri Charrière, historique, sociale et psychologique très bien documentée. Il retrace son enfance heureuse en Ardèche, que rien ne prédestinait à une vie aventureuse dans le « milieu parisien », en passant par les années de détention dont 13 au bagne de Guyane, jusqu’à l’écriture de son livre « Papillon ».
Qui ne connait « Papillon », bagnard évadé et aventurier célèbre ? Il avait défrayé la chronique de l’époque.
Et pourtant, qui savait que cet aventurier célèbre avait vécu ses jeunes années en Ardèche ?
De plus, qui pouvait se douter que ce baroudeur éprouvait tant d’attachement à sa terre natale et tant d’affection pour les êtres avec qui il y avait vécu dans son enfance ?
Vincent Didier aborde dans cet ouvrage toutes les facettes du personnage ajoutant ainsi à la dimension du mythe « Papillon », la dimension humaine d’Henri Charrière, jeune ardéchois à la vie mouvementée.
Robert Laffont, qui a préfacé ce livre ne s’y est pas trompé, lui qui avait connu l’auteur du célèbre « best-seller » de l’époque, qui, selon ses dire « avait occupé dans sa vie une place très personnelle » et qui « n’avait vécu avec un autre auteur une si étrange aventure ». Lorsque Didier Vincent lui a parlé de son projet d’ouvrage, il l’a vivement encouragé, très intéressé qu’il était d’en savoir plus sur le personnage qu’il avait accompagné quelques années mais dont il ne connaissait pas toutes les facettes.
En prenant du recul sur tout ce qui avait pu être dit et écrit au moment de la publication de « Papillon » ainsi que des polémiques qui n’avaient pas manqué, avec souvent et malheureusement pour origine la jalousie, Didier Vincent a eu le mérite de faire un véritable travail d’enquête et de recherche, sans aucun parti pris, tant sur le « personnage » Papillon que sur « l’homme » Henri Charrière. Le personnage jugé très attachant par Robert Laffont, devint après l’étude de Didier Vincent « un être complet, divers et très touchant ».
Didier Vincent a d’abord constaté que tout avait été dit « à chaud », dans le feu de l’actualité et surtout avec un manque de recul sur l’homme et son histoire. Toute presse confondue, nationale et régionale, faisaient preuve d’un mouvement d’adhésion d’abord, de réserve ensuite, voire de contestation ouverte ensuite, mais qu’aucun travail de fond sur le personnage n’avait été entrepris.
C’est donc sur cette terre ardéchoise qu’Henri Charrière avait tant aimée et où il repose à présent que Didier Vincent a repris son histoire, avec l’objectivité de celui qui ne l’a jamais rencontré et dans un souci constant de la vérité. Ce livre retrace ses pas à travers la France et le monde afin de reconstituer de la manière la plus approfondie et la plus juste possible le parcours d’une vie.
Plus qu’à un itinéraire précis, Didier Vincent s’est attaché à essayer de comprendre le personnage et d’en dresser le portrait. Si le mythe « Papillon » est un peu bousculé, l’homme Henri Charrière n’en sera peut-être que plus apprécié, et surtout que, restitué dans sa vérité, Papillon soit enfin libéré des polémiques passées.
En effet, comme il est écrit dans l’épilogue, « Papillon n’était un saint ni avant, ni pendant, ni après le bagne. Au contraire, il était terriblement humain, pétri de toutes les contradictions, notamment celles de malice et d’innocence qui font que l’homme est ce qu’il est depuis la nuit des temps et qui le rend lui, Papillon, si attachant. Cet amour incroyable de la vie, cette ardeur exceptionnelle à avancer et à surmonter les épreuves, est à l’origine de son succès et de sa légende. »
Didier Vincent a voulu rappeler que cet homme, qui appartient depuis longtemps à l’Histoire, ne méritait pas l’indifférence du Pays et en particulier de cette terre d’Ardèche, pays de caractère, de terroirs et de contrastes qui l’a vu naître et dans laquelle il repose maintenant. Cette terre qui tente de valoriser son immense patrimoine naturel et historique ne peut pas parler que de soleil, de rivière et de vieilles pierres et ignorer la richesse incroyable et notamment l’audace d’un personnage tel que Papillon.
Pourquoi ce choix pour le prix Villard : Personnellement pour la richesse du personnage et sa notoriété nationale et internationale (n’oublions pas qu’un film a été tiré de l’ouvrage avec Steve Mc Queen dans le rôle de Papillon), pour le fonds humain de l’histoire bien différent de ces véritables truands, gangsters et autres révolutionnaires sans foi ni loi qui altèrent les règles de la société et qui font la une des médias… Papillon est bien loin de tout ceci.
La biographie de Didier Vincent, avec la préface de Robert Laffont, resitue le personnage et le valorise, ainsi que son pays natal, au niveau national.
Merci donc à Didier Vincent pour son travail méticuleux et la mise en lumière de la richesse incroyable d’un être attachant et audacieux qui donne couleurs et vie au patrimoine ardéchois.
Docteur Jacques CHABAL

Discours de Vincent Didier. Au fond, les conseillers généraux Jacques Chabal et Raoul L’Herminier.
DISCOURS DE VINCENT DIDIER
Parce que je fais aujourd’hui un discours et pas une conférence, je ne vais pas vous parler ici de la vie d’Henri Charrière. Ce serait beaucoup trop long. Je vais seulement aborder les liens profonds unissant cet homme à ce département.
J’ai souvent l’habitude de dire que l’histoire d’H. Charrière, avant d’être nationale et internationale, est d’abord et avant tout une histoire ardéchoise.
Ardéchoise parce que cet homme, fils d’une famille d’instituteurs, est né à Saint- Etienne-de Lugdarès, a vécu de 5 à 20 ans à Pont-d’Ucel, est enterré à Lanas.
Mais H. Charrière n’est pas seulement ardéchois parce qu’il est né ou enterré à tel ou tel endroit. Non, il l’est aussi et surtout, parce que comme chacun d’entre nous, il est construit et imprégné par la terre de son enfance. Cette terre d’Ardèche, cette terre de résistance et d’audace, ce pays de caractère et de contrastes.
En effet, comment ne pas faire de liens entre les particularités de ce département et les traits de caractère de cet homme ?
Il pouvait être aussi violent que les orages des contreforts Cévenols, mais aussi tendre que les mimosas de Pont-d’Aubenas.
Aussi résistant que le granit des Cévennes, mais aussi léger que les senteurs des garrigues du Bas-Vivarais.
Aussi mélancolique qu’une fin d’automne des forêts du plateau, mais aussi gai que toutes ces fêtes estivales et concours de pétanque des bourgs du sud.
Mais surtout et comme tant de générations de ce pays, tenace.
Tenace et résistant face à l’adversité.
Oui, si H. Charrière n’a pas toujours brillé par son honnêteté ou sa transparence, il s’est par contre toujours fait remarquer par son audace. Une audace incroyable, souvent déraisonnable, mais qui lui aura permis de surmonter tant et tant de difficultés et qui lui aura permis d’assumer son destin.
Enfin, parce qu’il se savait, qu’il se sentait d’ici, H. Charrière aimait passionnément l’Ardèche et, pour vous le montrer, je ne peux résister à l’envie de vous lire un extrait d’un de ses courriers. Une lettre datée du 28 avril 1950, et envoyée de Maracaibo au Venezuela à M. et Mme Henri Champel de Vals-les-Bains.
« Madame et Monsieur Henri Champel,
Je viens vous remercier tous deux de bien vouloir vous occuper de moi. J’ai lu votre lettre qui m’a touché beaucoup. J’en avais les larmes qui doucement coulaient sur mon visage : merci de votre bonjour, c’est bien émouvant de recevoir un salut de sa terre.
Vals, combien de fois tout petit je me suis promené dans son parc ? Et le café des Célestins ? Et la source, la grande grille et l’intermittente toujours là-bas aux mêmes endroits. La source Béatrix Vals avec son théâtre en plein air. Le colonel Biondi a du disparaître. C’était sympa et reposant. La dernière fois, j’ai assisté à une représentation de Hernani avec Madeleine Roch et Albert Lambert de la Comédie Française.
Le Pont-d’Ucel où j’ai vécu de si belles années. Vous dites qu’il y a des gens qui se rappellent de moi. Mon Dieu que cela est troublant Vous ne pouvez croire cher pays combien votre lettre m’a remué. Moi j’ai toujours aimé mon Ardèche, et partout où je suis passé, je l’ai faite respecter et je l’ai défendu quand on l’a attaqué.
Au revoir mes pays et merci beaucoup de bien vouloir vous occuper de moi.
Croyez que j’en suis digne.
Madame et Monsieur Champel, Veuillez accepter mes sentiments les plus émus et vrais de ma gratitude. »
Votre pays Henri Charrière. »
Au plus fort de sa détention à la réclusion de l’Ile Saint-Joseph, afin d’éviter la mort ou la folie, Papillon avait appris à se dédoubler, à s’isoler de façon absolue dans un monde intérieur, à, comme il le disait lui-même, partir dans les étoiles, c’est-à-dire en enfance, c’est-à-dire en Ardèche.
Pendant de longues heures interminables, il ne vivait plus que dans les souvenirs et les rêves de son monde intérieur. Il le dira et redira souvent plus tard : C’est la beauté de son enfance et de ce département qui lui aura permis de survivre à sa peine.
A vous, élus et représentants politiques de ce département, qui avez comme maxime : « Terre d’Ardèche, Terre d’Audace », soyez en sûr, H. Charrière est bien le fils de ce pays et il fut l’Ardéchois ou l’un des Ardéchois les plus audacieux.
Il m’a fallu plus de quatre ans de recherche intense pour retracer l’itinéraire mouvementé, mais surtout pour connaître et comprendre celui qui, par une chrysalide extraordinaire, est passé du petit Riri de Pont-d’Ucel au Papillon de Caracas.
De notre ancien président François Mitterrand j’ai notamment retenu « qu’il faut laisser du temps au temps ». Moi qui ne suis pas très patient, c’est une pensée que j’ai expérimentée tout au long de mon travail de recherche. Oui, il faut du temps pour que s’apaisent les passions, les polémiques, les rancoeurs et les colères. Du temps aussi pour que s’imposent la compréhension et l’analyse. Pour que les langues se délient, que les confidences s’épanchent.
Dans le cas d’un homme tel qu’H. Charrière, au caractère si fort et au destin si impressionnant, il aura fallu plus de trente ans !
Je pense aujourd’hui à André Griffon qui, en 1973, écrivait après le décès de Papillon qu’il n’était plus temps de se faire les défenseurs de la morale, mais qu’il fallait au contraire peser à son juste poids la valeur d’un auteur hors du commun et déjà reconnu comme un « grand » par de nombreuses personnalités littéraires et artistiques des années 1970.
Il disait aussi qu’il y avait deux papillons, l’un de nuit l’autre de jour, mais qu’il fallait désormais laisser le temps jouer avec ses ombres et ses lumières pour faire surgir de deux visages un seul et authentique portrait.
C’est ce portrait souhaité à l’époque par André Griffon, mais impossible à peindre en 1973, que j’ai cherché, découvert et dessiné dans mon ouvrage PAPILLON LIBERE.
Libéré parce qu’au terme de ma recherche, j’ai pensé que ce Papillon- là aimait trop la vie et la liberté pour le laisser épingler plus longtemps par tous ceux qui lui ont fait de vains et mauvais procès. Libéré parce que notre époque est trop lisse, trop étriquée, trop politiquement correcte, notre actualité trop pesante, pour se passer plus longtemps des couleurs et de la poésie d’H. Charrière.
Rires et larmes mêlés depuis longtemps et pour l’éternité sous les cyprès du petit cimetière de Lanas, Papillon s’envole enfin. Par l’attention particulière que vous avez bien voulu accorder à mon ouvrage, il rejoint aujourd’hui par ce prix le meilleur patrimoine de ce département.
Merci à tous, merci beaucoup.
Vincent DIDIER.

Vincent Didier et une nièce d’H.Charrière.